Parce que je pense que le théâtre est une forme émotionnelle du discours philosophique. (Ivan Viripaev)
Ce serait comme un jeu de cartes en sept parties: cinq joueuses, un joueur et, comme au bridge, dans chaque partie, un mort. Ce ne serait pas les meilleures joueuses ni le meilleur joueur du monde, pas non plus des tricheurs, disons simplement des êtres humains un rien turbulents qui parlent en jouant, crient, pleurent, rient, pètent les plombs, s’aiment, se trahissent, se disputent et se réconcilient. Les cartes sont rebattues, chaque partie définit des liens qui parfois se recoupent et d’autres fois se contredisent, révélant par le comique de répétition la merveilleuse complexité des relations humaines. Au bout du compte, ni gagnants, ni perdants, mais l’impression d’avoir mieux saisi l’étrangeté cocasse de la danse de la vie.
Pour la première fois monté en Suisse en 2020, l’auteur de Danse «Delhi», Ivan Viripaev, jeune chef de file de la nouvelle dramaturgie russe nous offre cet étonnant chant choral sous forme de thème et variations dont les sujets, traités alternativement de façon frivoles et graves, touchent à l’essentiel de nos vies et rappellent l’absolue nécessité de ce qui fait les liens humains: compassion, solidarité, culpabilité, quête d’un bonheur simple, et ultimement désir d’accepter les conséquences et la souffrance dans le but de s’élever spirituellement.
Alternativement comédie satirique et dialogue philosophique, le texte brillant de l’auteur russe pose aussi la question si largement débattue aujourd’hui: l’art peut-il faire flèche de tout bois? Pas de réponse dans l’absolu si ce n’est le besoin de dépasser les conflits tout en étant poreux à la souffrance du monde. Comme dans les Variations Goldberg de Bach, nous ne suivons pas une ligne chronologique, mais à travers ce jeu habile de modalités différentes, nous glissons progressivement vers un apaisement et une sérénité bienfaisante.
En s'inspirant de l'esthétique des films du réalisateur suédois ROY ANDERSSON (Nous, les vivants, Chansons du 2ème étage), le metteur en scène Cédric Dorier réunit pour la création 2020 et la reprise 2022, une distribution francophone internationale avec des interprètes suisses, belges et québécois.